Boom

Dans notre lycée, on reçoit en ce moment des américains, qui sont venus pour 15 jours. Ils repartent vendredi sur Paris, passent une nuit là-bas, puis repartent chez eux, dans le Maine.
Ce matin, les réactions étaient vives, suite à l'attentat de Boston qui s'est produit dans la nuit. Ils reprennent l'avion pour Boston, dans quelques jours. Certains avaient de la famille à Boston, dont une qui a envoyé un message juste à ce moment à sa soeur, en France. Avec juste "Je t'aime, bisous" paraît-il. C'est un élève qui m'a raconté ça.Mes terminales sont nombreux à avoir un correspondant américain. Du genre 7 ou 8 élèves, peut être un peu plus. Ce matin, en groupe, je leur demande "Ils n'ont pas été trop traumatisés par ce qui s'est passé à Boston hier soir ??" "Ben si madame... Ils pleuraient quand ils l'ont appris..." L'infirmière s'attendait à faire un soutien psychologique pour ceux qui ont traversé l'Atlantique pour venir voir la France. Discussion avec mes élèves (Terminales, 18 ans) : "Mais c'est Al Qaïda !" Je leur réponds qu'on ne sait rien. Ils parlent du 11 septembre, du traumatisme, de la façon dont ils peuvent le vivre. Discussion avec un élève : "Non mais madame, c'est pas pareil... Et puis c'est bizarre qu'ils réagissent comme ça" Je réponds qu'on serait traumatisés à moins que ça, après la façon dont ils ont pu le vivre, outre Atlantique.

Quelques instants après, je réalise. Je me souviens exactement de ce que je faisais, le 11 septembre 2001. Je me souviens m'être connectée à internet (je venais de raconter à mes élèves qu'à leur âge, je n'avais pas de portable, qu'internet n'était pas démocratisé, que j'ai eu mon premier portable vers 23-24 ans, et qu'internet n'est apparu chez moi que quand j'avais 19 ans...). Je me suis connectée à internet, avec un modem 56k à l'époque, qui faisait le même bip-bip que lorsqu'on téléphonait, je me suis connectée pour discuter avec Nathann. Pas de télé chez lui. Je me souviens qu'il m'a dit "Mel, coupe internet, allume ta télé !!" Et moi, on était en début ou milieu d'après-midi, je ne regarde pas la télé à cette heure-là : "Mais merde, tu comprends pas, j'ai pas envie, je veux aller sur internet !" "Mel, allume ta télé putain !!! Je suis sur le site du Monde, c'est saturé, j'ai pas accès aux images, éteins ton ordi et allume ta télé !!! A plus !"

J'ai allumé. Je suis restée scotchée, peut être des heures. Je revois le deuxième impact. Je revois les spéculations des journalistes. On est passé de "C'est un accident" à "C'est un attentat !" Je revois la chute des tours. Je revois ma mère qui rentre, et moi qui la regarde à peine et qui lui dit "Viens voir, assieds-toi"

Je réalise d'un coup qu'en 2001, mes élèves de terminale actuels, ils avaient 6 ans. Leurs correspondants avaient aussi le même âge du coup. Je ne sais quel traumatisme ils ont eu. Les français, certainement bien moins que les américains.

L'impression du temps qui file, l'impression d'une génération qui n'aura pas été témoin de ça.