Liberté

Dimanche dernier, je l'ai présenté à ma copine B. On a été crapahutter dans sa campagne, c'était très sympa, ils se sont bien entendus, on est restés à l'apéro avant de rentrer pour le couvre-feu. 

Le lendemain, il n'était pas en forme, m'envoie un message qui tue parce que je lui demande juste s'il est là le week-end ou pas. Je n'aime pas passer des week-ends seule ici, alors s'il n'est pas dispo, j'essaie de prévoir des choses de mon côté pour éviter la solitude. Prise de tête par sms puis par tel. Il part toute la semaine, on ne se revoit pas tout de suite. Gloups. Bon, ok. 

Mardi, on ne peut pas s'appeler, il est chez sa mère et ça capte mal, on échange des messages, il essaie d'aplanir les choses, je lui dis de profiter de sa liberté, que je ne veux pas être une contrainte, qu'on se revoit le mardi suivant. Entre temps, je planifie un week-end chez mes parents. J'ai confirmé à ma mère une heure avant et il m'envoie un message me proposant de venir le vendredi soir chez sa grand-mère (elle n'habite plus là, elle est en EHPAD et ne reviendra plus chez elle). Un peu butée, je dis non, déjà prise, sans expliquer ce que je fais. 

Mercredi, quand il arrive chez sa grand-mère et qu'il peut m'appeler plus facilement, on papote, l'air de rien ou presque. Je me crispe quand il parle du week-end. Son "j'ai l'impression de t'emprisonner" résonne comme un "tu m'emprisonnes à me demander quand je rentre" que je n'apprécie pas du tout. Il parle de malentendu (comme souvent avec nos échanges sms).

Jeudi, journée dense. Dense de rien, mais prenante psychologiquement. Un élève super relou qui m'a envoyé un mail assassin la veille, qu'il faut que je gère avec les chefs. Des bulletins de conseils de classe à faire avec des moyennes à 17 qui n'ont aucun sens (moi la première). Des bulletins qui ne servent à personne à part au gamin. L'impression de ne servir à rien. Le conseil de classe est expédié en 29 minutes pour 29 élèves. Je rentre chez moi vers 18h30. Sms avec Mister Sourire on papote puis il me dit qu'il va manger vers 19h20.  J'ai une furieuse envie d'apéro, mais seule c'est moins bien. Mon frère vient de m'envoyer un colis de citrons niçois pour faire mon cocktail adoré. Je Lui lance "j'aurai presque pu faire une livraison de silver à travailleur en journée continue" (il a bossé en journée continue sans prendre de pause le midi, et il adore le silver, le cocktail familial qui n'a que des adeptes). Il voit mon message avec retard, vers 19h40. "ça fait un peu tard mais si tu veux". Il m'appelle immédiatement "ça fait loin, t'as une heure de route..." moi "et alors ?" Lui "ben tu bosses demain ? " Non, j'ai juste vaccin à 11h. "Tu veux te taper deux heures de route ??" La question n'est pas là : est-ce que tu veux que je vienne ? "Oui !" En moins de dix minutes, j'ai emmené le nécessaire à apéro, de quoi dormir et je prends la route. Il est 20h, j'ai une heure de route. Sur le chemin, j'ai le sourire. D'aller rejoindre mon homme d'une part. Et surtout d'avoir la liberté de le faire parce que le couvre-feu plus tardif nous le permet. Un sentiment de liberté, de sensation d'imprévus retrouvée. Galvanisée. J'arrive chez Lui, il est manifestement content (lui qui n'est pas franchement démonstratif). Quand je rentre dans la maison, il m'offre une orchidée "Je sais que t'aime bien et comme c'était un peu tendu en début de semaine...." Il n'a pas pu acheter ça entre mon message et mon arrivée, ça faisait déjà un jour ou deux qu'elle m'attendait bien sagement. Je savoure sa façon de me serrer contre lui, de me caresser, de m'endormir dans ses bras, ... 

Vendredi matin je repars avec le sourire. Le sourire d'avoir volé un moment que le couvre-feu ne m'aurait pas permis il y a quelques semaines. Le sourire de ces moments de bonheur partagés. Le sourire de savoir mon homme heureux grâce à moi. Un sourire de liberté...